À la fin du XVIIIe siècle, la population de Châteauneuf-sur-Loire était principalement constituée de mariniers, de vignerons, de commerçants et artisans parmi lesquels un nombre important de meuniers à eau (sur la Loire) et à vent.
Sur les cartes dressées vers 1770, au moins dix-huit moulins à vent sont établis à Châteauneuf, principalement à l’est, dans le secteur de la Croix-de-Pierre et du Morvant. On en comptera un maximum de vingt-deux en 1834.
Pour profiter des vents venant de l’Atlantique, la plupart des moulins étaient implantés sur le coteau de Loire. Tous étaient des moulins sur pivot dédiés à la production de farine.
Le cadastre enregistre la démolition des deux derniers moulins, ceux de Thévard et Préteux, en 1908, mais peut-être avaient-ils disparu plus tôt ?
Quelques mots de Maurice Genevoix :
On les (1) retrouvait à l’est, un peu moins nombreux toutefois, au voisinage des meuniers dont les moulins de bois carrés, sous leur toit à double pente, moulinaient de leurs amples ailes à la frange du coteau de Loire, sous le souffle des grandes brises du Val. Ces vieux moulins, j’en ai connu sept ou huit encore ; il y en avait eu des dizaines. Je les vois qui tournent toujours à l’horizon de mes jeunes souvenirs, là où la route, sortant du bourg, s’ouvrait sur le monde sans limites.
(Au cadran de mon clocher de Maurice Genevoix, © Plon, un département de Place des éditeurs, 1960)
(1) Maurice Genevoix parle des vignerons.
On s’arrêtait chez le vieux Daudé pour demander la clef du moulin. Le bonhomme, du fond de la cuisine basse qu’il ne quittait plus jamais, regardait venir les enfants en souriant à travers ses lunettes…
– J’en ai connu dix-sept sur le bord du coteau, rien qu’entre la Croix-de-Pierre et le coude de la route, dix-sept qui tournaient à la fois et qui avaient du grain sous la meule. J’en ai vu démembrer douze, l’un après l’autre. Et les derniers qui tiennent encore debout pourrissent sur place en attendant de s’effondrer. Ah ! Oui, vous montez aux moulins ? Décroche la clef, mon petit Jean. Ce que vous allez voir là-bas, c’est triste.
Les carcasses grisâtres des moulins se levaient entre les arbres. Une forte brise venue du fleuve émouvait par instants leurs ailes. À mesure que l’on approchait, on entendait craquer leur membrure ; et de tout près, dans leur grand souffle emporté et ronflant, on distinguait comme un cri faible et doux, un gémissement désespéré.
« Les ailes se plaignent », avait dit le vieux Daudé. Et en effet elles se plaignaient, entraînées malgré elles dans le branle du vent voyageur, mais lamentant leur peine inutile.
(Le jardin dans l’île, © Presses de la Cité)